Cela a paru! — (Aux scarabées de la pensée)

La rédaction

Lorsque nous (femmes méprisables et ignorantes) avons pris l’initiative de publier « La Voix de la Femme », nous le soupçonnions déjà, ô crabes modernes! que vous recevriez notre initiative avec votre philosophie habituelle et malicieuse, car vous devez savoir que nous, femmes maladroites, avons le sens de l’initiative et que celle-ci est le fruit de notre pensée ; le saviez-vous? Nous réfléchissons, nous aussi. 
Le premier numéro de « La Voix de la Femme » est paru, et, bien entendu, Troie a pris en feu ! : « nous ne sommes pas dignes de tant de choses, va! non, monsieur », « l’émancipation de la femme? », « pour quoi faire? » « m’a t’en donner l’émancipation féminine », « plutôt la nôtre », « qu’advienne plutôt la nôtre! », et ensuite, lorsque nous, « les hommes », serons émancipés et libres, là nous verrons ». 

C’est avec un tel accueil humaniste et libérateur que notre initiative a été accueillie. Ils nous préserveront peut-être, avions-nous pensé. 

Nous savions déjà que si nous ne prenions pas les rênes de notre propre émancipation, nous deviendrions des momies ou quelque chose du genre, avant que le soi-disant Roi de la terre (l’homme) ne le fasse. 

Mais il faut, messieurs les crabes, plutôt qu’anarchistes (fausse autoproclamation tout aussi juste que notre caractère de frères religieux), il faut que vous sachiez tout de suite que votre objet de plaisirs, ce moule parfait que vous corrompez, ce souffre-douleur de l’humanité, elle en a marre d’être une moins que rien à vos côtés, il est urgent, ô, faux anarchistes! que vous compreniez une fois pour toutes que notre mission dans la vie ne se limite pas à élever vos enfants et à frotter votre crasse, que nous avons le droit nous aussi de nous émanciper et d’être libres de toutes sortes de tutelles, qu’elles soient sociales, économiques ou conjugales. 

Qu’est-ce qu’une femme laide ou jolie, jeune ou vieille à vos yeux ? Une servante, une vadrouille! 

Lorsque, sur votre terrible et désespéré chemin de croix, vous inclinez votre tête sur votre poitrine lacérée, lorsque vous partez dissiper votre mauvaise humeur, plutôt que de la déverser sur nous, vos femelles restent là (nous ne sommes rien que ça à vos yeux), à verser des cris amers et cela devrait vous faire comprendre que notre genre ne nous empêche pas de ressentir et de réfléchir. 

Nous le savions déjà, malheureux messieurs, que pour vous une femme n’est rien de plus qu’un joli meuble, quelque chose comme un perroquet qui vous adule, qui vous fait la couture, qui travaille pour vous, et qui plus est, vous obéit et vous craint. 

N’est-ce pas, messieurs les maris? N’est-il pas vrai qu’il est très agréable d’avoir une femme avec laquelle parler de liberté, d’anarchie, d’égalité, de Révolution sociale, de sang et de mort, pour que celle-ci, croyant que vous êtes des héros, vous avoue qu’elle craint pour votre survie (parce que, bien sûr, vous faites semblant d’être exaltés), et jette ses bras autour de vos cous afin de vous retenir et presque en sanglotant, en vous murmurant « Pour l’amour de Dieu! Je t’en prie! ».

Ah! Là, vous l’avez! Vous jetez sur votre femelle un regard de commisération, d’amour de soi comblé de vanité hydropique [et] vous lui dites avec un ton théâtral décontracté : « Cesse femme, il me faut aller à la réunion de ci ou de ça, autrement les camarades… cesse de pleurer, personne n’osera me dire, ou me faire quoi que ce soit. » 

Et, bien sûr, avec vos « grandes tirades » vos pauvres compagnes vous croient être des lions (car pour le pain vous l’êtes) et pensent que l’avenir social de cette vallée d’anarchistes de pacotille est entre vos mains. 

Bien entendu, avec cette attitude mystérieuse vous vous donnez de l’importance et vos malheureuses compagnes vous croient être de redoutables révolutionnaires, et, bien entendu, elles vous admirent intellectuellement et physiquement. 

Voilà pourquoi, lorsque vous avez quelque chose à montrer à vos compagnes, il vous suffit de fixer sur elles votre regard fort et irrésistible, afin qu’elles inclinent timidement la tête en disant : il est tellement révolutionnaire! 

Et c’est pour cette raison, oui messieurs les crabes anarchistes, c’est pour cette raison que vous ne voulez pas l’émancipation des femmes, parce que vous aimez être craints et obéis, vous aimez être admirés et loués. 

Mais, malgré tout, vous le verrez, nous ferons entrer « La Voix de la Femme » dans vos maisons et nous dirons à vos compagnes que vous n’êtes pas de tels lions, vous n’êtes même pas des chiens de proie ; vous êtes un croisement entre poules et crabes (étrange croisement, n’est-ce pas? Voilà ce que vous êtes) vous qui parlez de liberté, mais qui ne la voulez que pour vous-mêmes, vous qui parlez d’anarchisme sans même savoir… non, mais laissons ça comme ça, car vous savez très bien ce que vous êtes et nous aussi, nous le savons, n’est-ce pas? 
Vous le savez très bien, donc, vous qui parlez de liberté tout en voulant être des tsars dans vos maisons, et vous qui voulez détenir le droit de vie et de mort sur tout ce qui vous entoure, vous qui vous croyez tellement au-dessus de notre condition, nous n’aurons plus peur, nous ne vous admirerons plus, nous n’obéirons plus aveuglément et timidement à vos ordres, nous vous mépriserons et si vous nous provoquez, nous vous dirons vos quatre vérités les poings serrés. Soyez donc prudents, vous les malins, soyez prudents, vous les crabes. 

Si vous voulez être libres, nous le voulons encore plus; doublement esclaves de la société et des hommes, fini le temps de « l’anarchie et de la liberté » avec les femmes au foyer. 

Santé!

  • Aucune étiquette
Écrire un commentaire...