Nos objectifs — Camarades, salut!

La rédaction

Nous voilà : épuisées par tant de pleurs, tant de misère, épuisées par l’éternel et déchirant portrait que nous offrent nos malheureux enfants, ces tendres morceaux de nos cœurs, épuisées de quémander et de mendier, épuisées d’être le jouet, l’objet des plaisirs de nos infâmes exploiteurs ou de nos vils maris, nous avons décidé de hausser nos voix dans le concert social et d’exiger, exiger disons-nous, notre part de plaisir dans le banquet de la vie. 
De longues soirées de labour et de souffrances, de sombres et d’horribles journées sans le pain ont pesé sur nous, et il nous a fallu entendre le cri sec et déchirant de nos enfants affamés, pour qu’épuisées par tant de misère et tant de souffrance, nous nous décidâmes à faire entendre nos voix, non pas sous forme de lamentation ou de plainte suppliante, mais dans une volonté de vibrante exigence. Tout appartient à tous.

Jusqu’à hier, nous suppliâmes un Dieu, une vierge, un saint quelconque, l’un plus illusoire que l’autre, et lorsque, remplies d’espoir, nous avons osé demander une croûte de pain pour nos enfants, savez-vous ce que nous avons obtenu en retour ? Le regard obscène et lubrique de celui qui tente constamment d’enchaîner l’objet de ses plaisirs impurs, nous offrant d’une voix insinuante et astucieuse une issue potentielle, un projet d’affaires, un billet afin de couvrir la nudité de nos corps, sans aucun autre engagement que celui de devoir lui offrir ce dernier en échange. 
Nous avons continué d’avancer, toujours confiantes et gardant espoir en Dieu et les cieux, et après avoir trébuché et être tombées parce que nous n’avions pas regardé là où nous marchions, tournant plutôt nos regards nostalgiques vers les cieux, savez-vous ce que nous avons trouvé sur notre chemin ? La lascivité et l’impureté brutale, la corruption fangeuse et la seule possibilité de vendre, encore une fois, nos corps maigres et décrépits. Nous avons tourné nos regards asséchés en arrière, asséchés, oui, car ils étaient rendus asséchés ! Et là-bas, au loin, au large, nous avons presque aperçu nos enfants, pâles, faibles et maladifs… et la brise déjà caligineuse nous apportait la mélodie éternelle du pain. Maman, du pain pour l’amour de Dieu ! Et c’est là que nous avons compris pourquoi tout s’écroule… pourquoi on tue et pourquoi on vole (lire : on exproprie). 

Et c’est là que nous avons pris conscience de ce Dieu et que nous avons compris à quel point son existence était fausse ; en somme, qu’il n’existe pas. 

Et c’est là que nous avons compati avec nos malheureuses camarades tombées au combat. Et nous avons voulu renverser tous les défis et tous les obstacles absurdes, et rompre cette chaîne impie dont les maillons sont plus épais que nos corps. Et nous avons compris que nous avions un ennemi puissant à combattre dans notre société actuelle et c’est là que nous avons regardé autour de nous, et que nous avons vu beaucoup de nos camarades se battre dans cette même société ; et puisque nous comprenions que leur ennemi était aussi le nôtre, nous décidâmes de les accompagner dans cette lutte contre l’ennemi commun, mais puisque nous ne voulions dépendre de personne, nous avons hissé le drapeau rouge à notre tour ; nous sommes allées au combat… sans Dieu ni maître. 

Et c’est là, chères camarades, que réside l’objectif de notre journal, pas seulement le nôtre, mais celui de tous, et voilà pourquoi nous nous déclarons communistes anarchistes et que nous proclamons le droit à la vie, c’est-à-dire le droit à l’égalité et à la liberté.

  • Aucune étiquette
Écrire un commentaire...