Informations sur la traduction

Traduction de l'espagnol par Lucia Carballo.

Révision par Sophie Guinamand et Lilian Vianey Torres Merino.

Source du texte original : Inés de la Cruz, sor Juana, Los empeños de una casa, Association for Hispanic Classical Theater, [1683] 2006. URL : http://www.comedias.org/sorjuana/empeños.pdf.

Note sur la traduction

Sœur Juana Inés de la Cruz (1651-1695) est une religieuse catholique mexicaine. Poète et dramaturge, elle est aussi compositrice et mathématicienne et est aujourd'hui célébrée comme l'une des premières féministes des Amériques. Elle défend toute sa vie le droit à l'éducation et l'intelligence des femmes, osant même enseigner des textes écrits par des femmes à ses étudiantes. En 1683, elle publie la pièce Los empeños de una casa, une comédie de situation se déroulant chez la bourgeoise de Tolède, une ville d'Espagne. Dans la scène que nous avons choisi de traduire, le serviteur Castaño raconte sa transformation d'homme en femme, décrivant les artifices employés pour le rendre enfin, à la fin de la scène, belle et désirable.

Les tâches ménagères, extrait

Sor Juana Inés de la Cruz

Castaño

[...]

Il ôte son manteau, son épée et son chapeau.

Pour commencer, il serait convenable

que j’attache ma chevelure,

puisqu’elle m’enlèvera mille vies

si je la laisse lousse.

Avec ce voile, j’ai l’intention

de couvrir ma tête ;

si je le place à ma manière,

cela tiendra du triomphe

que d’être capable d’apercevoir mon chagrin.

Maintenant, place aux jupes.

Jésus, quel magnifique tissu !

Nul doute qu’il m’ira bien,

puisque grâce à ma peau foncée

le bleu me sied comme le ciel.

Et dis donc, qu’est-ce que c’est que ça  ? Tiens,  des bijoux ;

je ne souhaite pas les enfiler,

car je suis présentement révolté .

Un foulard  je viens de trouver

dans ma poche ; je le porterai.

Cette blouse me sied-elle ?

J’ai besoin d'un dangereux fond de teint; 

Si je pouvais plaire à Dieu,

je me serais mis en beauté

sans aucune hésitation :

mais puisqu’il est ingrat,

il m’a donné ce visage.

La couleur du fond de teint n’est d’aucune importance,

puisque l’ampleur de la tâche à accomplir

me fera changer mille fois de couleurs,

digne d'une femme de la honte.

Que pensez-vous, mesdames,

de cette fine dentelle ?

Même avec les soins du meilleur styliste,

je ne pourrais être mieux mise.

C’est vrai que je suis sublime.

Dieu me garde, oh que je suis belle !

Tout me convient,

car ma forme est d’une grande rareté.

Je veux finir de m’apprêter,

car je ne suis pas encore dame parfaite.

Les gants ; oh oui,

car les mains ne sont pas censées savoir que, 

malgré ma ressemblance à Ésaü,

elles sont à Jacob.  

Le voile vaut plus que tout,

mettez-le sur ma tête.

Pour l’amour de Dieu ! Ce tissu de soie

me recouvre tellement,

qu’il n’y a pas de fossé qui puisse ainsi me garder,

ni de mur qui me défende autant,

ni de voleur qui cache tant,

ni de page qui ment autant,

ni de gitan qui trompe si bien,

ni de vendeur qui vende autant.

L’éventail rehausse ma grâce et ma beauté,

mais s’il me donne autant d’air,

à quel point est-il mon sosie?

Y a-t-il une dame dans l’auditoire 

capable de dire à sa partenaire :

« Mon amie, cet imbécile  

 on dirait qu'il se déguise. »

Eh bien attention, mes dames,

ceci n'est un pas de comédie ;

ne pensez pas que ce sont des tours

forgés dans mon esprit,

car je ne veux pas vous tromper,

et encore moins votre excellence.

Ça y est, je suis armée, et, qui doute encore

qu’au moment où ils me verront,

je sois suivie par quatre mille galants

de ceux qui courtisent,

Et qui en me voyant s’entassent,

puisqu’ils ne voient pas la véritable beauté,

mais plutôt celle qu’ils s’imaginent ?

Alors, assez de plaisanterie.

Au pas délicat, bien droit

la tenue, l’air victorieux ;

la tête inclinée,

le oui et le non sont possibles ;

la main cachée sous le voile ;

gardant un œil reclus

et l’autre tourné vers l’extérieur ;

allons-y maintenant, puisqu’enfermée

se gâche ma beauté.

Je crains que quelqu’un

me séduise.


Los empeños de una casa, extrait

Sor Juana Inés de la Cruz

Castaño

[...]

Quítase capa, espada y sombrero.

Lo primero, aprisionar

me conviene la melena,

porque quitará mil vidas

si le doy tantica suelta.

Con este paño pretendo

abrigarme la mollera;

si como quiero lo pongo,

será gloria ver mi pena.

Agora entran las basquiñas.

¡Jesús, y qué rica tela!

No hay duda que me esté bien,

porque como soy morena

me está del cielo lo azul.

¿Y esto qué es? Joyas son éstas;

no me las quiero poner,

que agora voy de revuelta.

Un serenero he topado

en aquesta faltriquera;

también me lo he de plantar.

¿Cabráme esta pechuguera?

El solimán me hace falta;

pluguiese a Dios y le hubiera,

que una manica de gato

sin duda me la pusiera;

pero no, que es un ingrato,

y luego en cara me diera.

La color no me hace al caso,

que en este empeño, de fuerza

me han de salir mil colores,

por ser dama de vergüenza.

¿Qué les parece, señoras,

este encaje de ballena?

Ni puesta con sacristanes

pudiera estar más bien puesta.

Es cierto que estoy hermosa.

¡Dios me guarde, que estoy bella!

Cualquier cosa me está bien

porque el molde es rara pieza.

Quiero acabar de aliñarme,

que aún no estoy dama perfecta.

Los guantes; aquesto sí,

porque las manos no vean,

que han de ser la de Jacob

con que a Esaú me parezca.

El manto lo vale todo,

échomelo en la cabeza.

¡Válgame Dios!, cuánto encubre

esta telilla de seda,

que ni hay foso que así guarde,

ni muro que así defienda,

ni ladrón que tanto encubra,

ni paje que tanto mienta,

ni gitano que así engañe,

ni logrero que así venda.

Un trasunto el abanillo

es de mi garbo y belleza

pero si me da tanto aire,

¿qué mucho a mí se parezca?

Dama habrá en el auditorio

que diga a su compañera:

“Mariquita, aqueste bobo

al Tapado representa.”

Pues atención, mis señoras,

que es paso de la comedia;

no piensen que son embustes

fraguados acá en mi idea,

que yo no quiero engañarlas,

ni menos a vueselencia.

Ya estoy armado, y ¿quién duda

que en el punto que me vean

me sigan cuatro mil lindos

de aquestos que galantean

a salga lo que saliere,

y que a bulto se amartelan,

no de la belleza que es,

sino de la que ellos piensan?

Vaya, pues, de damería.

Menudo el paso, derecha

la estatura, airoso el brío;

inclinada la cabeza,

un sí es no es, al un lado;

la mano en el manto envuelta;

con el un ojo recluso

y con el otro de fuera;

y vamos ya, que encerrada

se malogra mi belleza.

Temor llevo de que alguno me enamore.

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