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Martin Tétu et Sophie Dubois-Paradis - Le Devoir

31 octobre 2018

Quel est le véritable impact de Netflix sur la diffusion des créations audiovisuelles québécoises ? La question se pose depuis l’annonce d’investissements majeurs de Netflix au Canada, à hauteur de 500 millions de dollars dans les cinq prochaines années. Elle se pose aussi en regard de la toute récente décision de l’Union européenne d’imposer un quota de 30 % d’oeuvres de l’UE dans le catalogue Netflix proposé aux Européens. De tels quotas sont-ils aussi une solution au Québec pour valoriser la création locale ou la solution serait-elle plutôt l’investissement annoncé par Netflix ? Pour y répondre, il faut jeter un oeil sur le catalogue actuel de séries et films québécois sur Netflix, une démarche qui n’avait pas encore été effectuée de façon scientifique.

Combien croyez-vous qu’il y a de séries et de films québécois offerts à l’usager canadien sur Netflix au moment où vous lisez ces lignes ? Le Laboratoire de recherche sur la découvrabilité et les transformations des industries culturelles à l’ère du commerce électronique (LATICCE) de l’UQAM effectue depuis un an des collectes de données sur les principales plateformes de contenus numériques en ligne pour la musique (Spotify, iTunes et Google Play), le livre (Amazon, Les Libraires et Renaud-Bray), de même que pour l’audiovisuel (Netflix, iTunes et YouTube). L’objectif est de mesurer la présence avérée de créations québécoises en ligne sur ces grandes plateformes. Nos observations nous permettent de constater que cette présence d’oeuvres québécoises varie beaucoup selon les domaines et les plateformes. Si, dans le domaine de la musique, les nouveautés québécoises sont en bonne partie accessibles en ligne (ex. sur Spotify), ce n’est pas le cas des séries et films du Québec sur la plateforme Netflix.

Entre le 13 août et le 12 octobre 2018, le LATICCE a recensé chaque jour quatre films québécois disponibles sur Netflix. Ces quatre films (IncendiesGaz Bar BluesStarbuck et Bon cop, bad cop) ont été les mêmes durant toute cette période de deux mois. En conséquence, il n’y a pas eu de variation dans l’offre limitée de films québécois proposés aux abonnés canadiens de la multinationale américaine. En ce qui concerne les séries télévisées, le LATICCE a recensé cinq séries (Série noireNouvelle adresseLe clanVertigeLa théorie du K.O.). Ici aussi, ces cinq séries ont été les mêmes chaque jour, l’offre n’ayant pas été bonifiée pendant cette période. En bref, on peut en conclure que l’offre québécoise sur Netflix pour les abonnés canadiens est non seulement restreinte mais aussi peu renouvelée, une offre qui n’inclut pas les nouveautés.

On pourrait croire qu’il y a un problème structurel à diffuser des séries et des films québécois en ligne. Toutefois, on retrouve sur la plateforme iTunes un nombre élevé de films québécois en téléchargement et en streaming. Même sur la plateforme payante de YouTube, de nombreux films québécois sont accessibles. En conséquence, y aurait-il un « problème Netflix » ? Ce problème serait symptomatique d’un modèle de développement qui n’inclut pas la création locale. On le constate actuellement dans la diffusion sur Netflix. On peut donc légitimement s’inquiéter en ce qui concerne les productions annoncées par Netflix au Canada, qui pourraient suivre la même tendance et ne pas inclure de créations et de créateurs locaux.

Pour ou contre un quota Netflix au Canada et au Québec ? Avant de répondre à cette question, il faudrait continuer la documentation de la réalité actuelle de la diffusion en ligne. Difficile de cerner l’impact des plateformes transnationales sur l’écosystème culturel québécois en l’absence de données d’offre et de consommation (contenus présentés et consultés, abonnés, revenus, etc.). Difficile d’autant plus de définir les mesures à mettre en place pour s’assurer de protéger et de promouvoir la culture locale. La documentation de l’environnement numérique s’avère centrale afin de baser les décisions politiques et juridiques sur une présence avérée de contenus locaux et non sur le seul discours des plateformes transnationales comme Netflix, qui porte à croire de façon erronée que la culture québécoise est déjà amplement représentée en ligne.


Pour en lire davantage, consultez l'article «Le Québec discret sur Netflix» de Guillaume Bourgault-Côté: https://www.ledevoir.com/culture/540230/le-quebec-discret-sur-netflix.

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